Aix-en-Othe

La vie de château à Aix-en-Othe dans la 1ere moitié du XVe siècle

Le château d’Aix-en-Othe situé à proximité de l’église Notre-Dame de l’Assomption est la propriété de l’évêque de Troyes depuis le milieu du Moyen Âge. Cette région rurale lui offre de nombreux privilèges. Excentrée de Troyes, elle lui permet d’asseoir son pouvoir lors de ses déplacements. Le sol riche et fertile est exploité pour ses forêts minières, ses vignes et ses champs. De ce fait, beaucoup de personnes travaillent directement ou indirectement à son service.

-	Une vue détaillée du premier folio du registre temporel d’Aix-en-Othe de 1396, G 348. Détail sur le premier paragraphe

Compte temporel de la seigneurie d’Aix-en-Othe, 1396.

Arch. dép. Aube, G 348, fol. 1r

1/ Comptes faiz de toutes receptes et mises 2/ de deniers, grains et autres choses pour Révérent père 3/ en Dieu monseigneur Estiene de Gyvry par la grace de Dieu 4/ evesque de Troyes, par moy Symon Regnaut, prestre gouverneur 5/ en son hostel de la terre daiz et es appartenances, dès le XXIIIIe 6/ jour de juing mil CCC IIIIxx et seze exclus, jusques au 7/ dit jour dudit mois après ensuivant mil CCC IIIIxx dix et sept

Le personnel du château

 

La résidence principale de l’évêque est à Troyes. Son château d’Aix-en-Othe y est distant de 30 kilomètres. Si Étienne de Givry (1395-1426) s’y rend plusieurs fois par an, c’est le seul évêque à faire d’aussi fréquents déplacements. En son absence, le prélat peut compter sur un personnel dévoué, resté à demeure, qui fait vivre le domaine et accueille les hôtes.

Le plus haut placé est le capitaine du château, parfois qualifié de receveur de l’évêque, c’est-à-dire chargé des finances. Ses gages sont les plus importantes. En 1374 et 1375, une somme de 50 livres tournois, 6 setiers de froment, 3 setiers de seigle, 1 muid d’avoine et 2 queues de vin est dépensée pour le salaire annuel du capitaine, d’un portier et d’une chambrière. Mais Simon Regnaut en 1402 et Jean David en 1407, successivement receveurs, reçoivent individuellement une pension de 20 livres tournois tandis que Robert Plumey ne reçoit plus que 10 livres tournois dans les décennies 1430 et 1440.

Au contraire, la charge de sergent de la prévôté d’Aix-en-Othe reste stable entre 1379 et 1433 puisque le salaire est fixé à 40 sous tournois annuel. Ce personnel est complété par un portier ordinaire dont les responsabilités et le salaire croissent drastiquement. En 1429, Jacques Aspremont – Félipot Aspremont, sergent de la prévôté la même année, – certainement de la même parentèle –, est rémunéré 100 sous tournois et 1 setier de seigle. En 1433, Guillaume Regnaut reçoit 2 hastes de prés pour faire des foins afin de nourrir ses vaches en plus de son salaire. Mais en 1437, Jean Trubelin est payé 4 livres tournois pour occuper le poste de portier ordinaire, sergent de la prévôté et sergent forestier des bois. Un forestier vient compléter le personnel de l’évêque. Les gages de Perrin Guerraud s’élèvent ainsi à 50 sous tournois en 1375. 5 ans plus tard, Pierret de Picquigny reçoit 60 sous tournois et 3 setiers de seigle. Pour le même salaire, Bertrand Champion est qualifié de bucheron en 1429 et de sergent forestier en 1430.

 

Hôtel et restaurant

 

Le château d’Aix-en-Othe est un lieu d’accueil pour les hôtes. Le bailli de l’évêque vient à Aix-en-Othe plusieurs fois par an y tenir ses assises. Ses frais sont entièrement couverts par le prélat. En 1380, 20 sous tournois sont dépensés pour l’achat de fromages, poissons et d’autres mets pour le séjour de Jean Pas, accompagné du procureur et des sergents qui sont reçus par le receveur Simon Regnaut. 30 ans plus tard, aux assises des 15 et 16 mars 1401, Simon Fourny et sa suite sont logés dans un autre hôtel. Il demande à ce qu’on lui apporte 15 pintes du vin de l’évêque car celui qu’on lui donne à boire n’est pas à son goût (le procureur en Parlement, de passage le 31 août 1402 logé au même hôtel demande lui aussi du vin de l’évêque pour la même raison).

L’évêque Jean Braque décède le 10 août 1375. La veille de la Pentecôte suivante, son frère et exécuteur testamentaire Robert Braque se rend au château pour faire l’inventaire des biens. Il consomme du pain, de la viande et d’autres choses à hauteur de 8 sous 8 deniers. Le loutrier du roi profite des étangs pour y chasser du 7 au 12 mai 1399. Il est logé et nourri. D’autres personnes s’arrêtent au château sur le chemin les menant à Sens pour y régler des affaires au nom de l’évêque. Ainsi, le 10 juillet 1396, le clerc de Jean de Broyes se voit offrir du potage et de la pitance à l’aller, puis le lendemain à son retour. Le 18 février 1404, c’est le chevalier Ogier d’Anglure et sa suite qui sont accueillis. Malgré une heure d’arrivée tardive, puisqu’ils arrivent après que la porte du fort soit fermée, le receveur les « receupt au mieulx quil peut » en leur offrant 6 pains de froment, 4 poules, du potage, des chandelles, de l’avoine pour les chevaux et du seigle pour les chiens.

La chasse est une activité récurrente, favorisée par l’abondance de la forêt. En 1401, les chasseurs tuent un cerf, emmené à Troyes, et un chevreau, consommé sur place ; même si en 1398, l’évêque n’a pas hésité à donner 28 pintes de lait à la femme du receveur pour nourrir un petit faon qui a été apporté au château.

 

Le travail de la population

 

Le minerai de fer est l’une des ressources forestières les plus lucratives à Aix-en-Othe. Son exploitation inclut l’extraction, la transformation et le transport du matériau. Mises à profit par une seule personne en 1395, les mines rapportent 17 livres tournois à l’évêque, 21 livres tournois deux ans plus tard. En 1401, elles sont moissonnées par une vingtaine de personnes pour un revenu de 13 livres tournois. Mais en 1429, ce sont six miniers qui y travaillent pour un bénéfice de seulement 34 sous et 7 deniers tournois. La guerre de Cent Ans, le manque de personnel ou l’amenuisement de la matière réduisent donc drastiquement les revenus.

Cependant, l’exploitation minière permet le développement d’autres métiers comme la forge, la fabrication de clous, de serrures ou l’extraction de charbon de bois. Elle créé des emplois occupés par la population locale en plus d’être une source de revenu non négligeable pour l’évêque – il fait utiliser ces matériaux pour la construction ou la rénovation de ses propres bâtiments et vend le surplus. Il en va de même pour la récolte des osiers et des fruits de son jardin, du bois et de la chaux de ses forêts, des foins et herbes de ses champs. La richesse de ce sol lui permet de cultiver des vignes qui occupent de nombreuses personnes, hommes, femmes et enfants, une grande partie de l’année ; et de créer une tuilerie inaugurée par 36 personnes le 7 mars 1397.

 

La vie en temps de guerre

 

Mais l’éloignement rural d’Aix-en-Othe est une porte ouverte à toutes les invasions et destructions malgré les tentatives de défense. Du 22 août au 5 septembre et du 5 novembre au 5 décembre 1410, l’évêque envoie son écuyer Pierre Davelli pour aider à la défense face au passage duc de Bourgogne. En 1427, les gens d’armes de Saladin d’Anglure occupent le château et rançonnent le four banal. Trois ans plus tard, ce sont les gens d’armes de monseigneur de Turenne qui prennent le château et y mettent le feu avant de partir.

C’est en août 1433 que les dégâts sont les plus impressionnants. Le passage des Anglais et des Bourguignons se rendant à Pacy-sur-Armançon au milieu du mois est catastrophique. L’annonce de leur arrivée force l’évêque à dépêcher certains de ces serviteurs de Saint-Lyé pour aider le personnel d’Aix-en-Othe et le peuple qui n’a pas déserté à garder le château. Mais les Anglais brûlent ou détruisent tout sur leur passage et emportent avec eux les biens du receveur évalués à 69 écus d’or. Toutefois, l’évêque lui envoie des ouvriers troyens pour l’aider à faire des fortifications et réparations.

La riche région d’Aix-en-Othe est ainsi pleine d’atouts. La fertilité de son sol et de son sous-sol donne des emplois à la population locale. La présence d’un château, de ses dépendances comme le four banal, le moulin et le personnel mis à demeure assurent à l’évêque la fidélité de ses gens. En contrepartie, la bassecour et la cour leur donnent un refuge en cas d’attaques extérieures. Même si celles-ci ne peuvent être évitées, la région n’est jamais totalement désertée. À partir de la deuxième moitié du XVe siècle le château est reconstruit et les habitants reviennent progressivement chez eux, preuve qu’ils considèrent le danger écarté.

Le temps aura eu raison de ce château puisqu’il ne subsiste plus rien du domaine de l’évêque aujourd’hui.

 

Aurélie Gauthier, archiviste, Archives départementales de l’Aube

Août 2023

cadastre du village d’Aix-en-Othe (cote 3 P 5000, section B, village et prés, feuille n°4)

 Détail du cadastre du village d’Aix-en-Othe

Arch. dép. Aube, cote 3 P 5000, section B, village et prés, feuille n°4

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